Solliciter l'imagination du sujet est-ce utile pour hypnotiser ?

Si mon sujet est incapable de visualiser, vais-je pouvoir l'hypnotiser ?

Solliciter l'imagination du sujet est-ce utile pour hypnotiser ?
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La théorie idéo-motrice est centrale dans la théorie de la suggestion.

Son application consiste à faire imaginer un acte et simultanément à lever l'inhibition consciente pour obtenir un mouvement ou une idée involontaire : l'effet de la suggestion.

Faire imaginer volontairement, cela s'appelle de la visualisation qu'elle que soit la modalité sensorielle, car tout cela date d'une époque où image voulait dire sensation et où l'on pouvait parler d'image auditive, d'image motrice ou d'image tactile.

Et donc les inductions contiennent une profusion de ballons d'hélium qui montent très haut dans le ciel, de livres qui pèsent de tout leur poids, de colle extra-forte, de câbles, pistons, aimants et peut être même des licornes, afin d'obtenir le résultat voulu.

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Visualiser est un effort volontaire et intentionnel demandé au sujet.
Il y a deux stratégies :

  • Faire visualiser le but (la légèreté dans le bras),
  • Faire visualiser le moyen (le ballon d’hélium qui monte dans le ciel)

Idem pour les interventions thérapeutiques : safe place ou futurisation pour la visualisation orientée vers le but ou réification pour la visualisation orientée vers le moyen.

La visualisation est la condition des phénomènes ideo-moteurs, mais est-elle efficace ?

Wha???
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  • imaginer la légèreté n'a rien apporté

Demander à des sujets de visualiser des scénarii orientés vers le but ne les a pas rendus plus efficaces : imaginer la légèreté n'a rien apporté de plus. (Buckner & Coe, 1977; Lynn, Snodgrass, Rhue, & Hardaway, 1987; Spanos,1971; Spanos & Barber, 1972)

  • visualiser des ballons n'a pas aidé pour obtenir une lévitation

Lynn, Snodgrass, Rhue, and Hardaway (1987) ont demandé à des sujets de se concentrer pour imaginer le mouvement de lever le bras sans bouger intentionnellement, la moitié d'entre eux avait la consigne d'ajouter une visualisation orientée vers le moyen (les ballons).
Lynn et ses collègues ont rapporté que la réussite de la lévitation était mieux prédite par la croyance des participants dans la capacité de l'imagination à produire le mouvement que par la consigne de visualisation.
La corrélation entre visualisation des ballons et lévitation n'était pas significative : les ballons n'ont servi à rien.

  • Visualiser le contraire de la suggestion n'a pas gêné les High

Comey et Kirsh ont demandé à des sujets d'imaginer quelque chose de contraire à la suggestion, comme par exemple d'imaginer des livres qui pesaient pendant que l'opérateur suggérait la légèreté.
Les faiblement suggestibles (les Lows), c'est à dire ceux qui ont des stratégies inefficientes, ont échoué à réaliser la suggestion de lévitation, tandis que les "Highs" n'ont pas été affectés.

L'étude a été répliquée à de multiples reprises avec le même effet (Bartis & Zamansky, 1990; Kirsch, Council, & Mobayed, 1987; Spanos, Weekes, & de Groh, 1984; Zamansky, 1977; Zamansky & Clark, 1986).

Donc, la visualisation de moyens (les ballons) qui est une stratégie commune chez les "Lows" n'est pas la stratégie efficace. Il faut noter que c'est la stratégie implémentée dans toutes les échelles d'évaluation de l'hypnotisabilité.

Les "Highs" doivent s'y prendre autrement puisqu'ils n'ont pas été affectés et c'est vraisemblablement la cause de leur efficacité.

  • Supprimer toutes les consignes de visualisation de l'induction l'a rendue plus efficace pour les "Lows"

Comey et Kirsh ont ensuite enlevé toutes les consignes de visualisation de leur induction standard : fini les ballons. L'opérateur se contentant de répéter "de plus en plus léger, de plus en plus léger" à la place.

Le groupe avec l'induction sans consigne de visualisation a mieux réussi les suggestions que le groupe avec les consignes de visualisation, car les "Lows" ont été plus efficaces. Vraisemblablement, car ils ont été moins distraits par les consignes de visualisation.

Bref, le recours à des stratégies de visualisation orientées sur le moyen (les ballons) est contre-productif. Et la visualisation orientée sur le but (la légèreté) n'est pas efficace

Shattered two plates and froze them
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Qu'en est-il de l'imagerie ?

Au contraire de la visualisation qui est volontaire, l'imagerie est involontaire.

Spanos a montré que l'imagerie dirigée vers un objectif (le sujet sent son bras devenir léger) était corrélée à la réussite de la suggestion. Comey et Kirsch ont répliqué ce résultat dans leur étude.

L'imagerie a les mêmes caractéristiques que l'effet des suggestions, elle est :

  • involontaire
  • ne demande aucun effort
  • acceptée comme "vraie"
  • non intentionnelle
Les deux types de suggestion qu’un hypno ne doit pas confondre
Il y a une définition faible et une définition forte de “suggestion”

L'imagerie, comme l'effet des suggestions, sont des conséquences de la transe et non ce qui la crée.

Il apparait donc que l'imagerie est une conséquence de la transe est non sa condition. C'est vraisemblablement pourquoi les échelles d'absorption visant à mesurer une absorption-trait (une capacité imaginative permanente du sujet) ne donnent rien.

Ce qui a mis un coup d'arrêt à la théorie ideo-motrice[2]

C'est pareil pour l'analgésie

De manière similaire Hargadon et al. (1995) ont démontré que l'analgésie hypnotique était tout aussi efficace en l'absence de toute stratégie cognitive délibérée, telle que l'engagement dans une imagerie contre la douleur[3].

C'est pareil pour l'amnésie

De même, une autre série d'études a montré que l'amnésie hypnotique ne dépend pas des stratégies cognitives proposées (Bowers et Davidson, 1991 ; Davidson et Bowers, 1991 ; Bowers et Woody, 1996 ; voir aussi King et Council, 1998).

Involontarité (passivité), imagerie, analgésie et amnésie sont des effets de la transe.

Qu’est ce que la transe somnambulique ?
Est-ce seulement un rêve lucide ?

Il semble donc bien que l'hypnose ne nécessitent pas d'effort de visualisation de la part du sujet ou de stratégies cognitives conscientes et acharnées.

La véritable cause de la transe que la plupart des hypnos ne connaissent pas (mais utilisent sans le savoir).
Il parait que dans l’hypnose, tout est croyance...

Comey, Gail, et Irving Kirsch. « Intentional and Spontaneous Imagery in Hypnosis: The Phenomenology of Hypnotic Responding ». International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis 47, no 1 (janvier 1999): 65‑85. https://doi.org/10.1080/00207149908410023 ↩︎