Qu'est-ce que le clean language pour un hypno ?
Et, pourquoi c'est un outil exceptionnel.
Dans le podcast d'Anna Galley, je parle de la différence entre les métaphores communicationnelles qui servent à se faire comprendre en partageant une image commune et les symboles qui sont des images propres aux patients.

Le clean n'est pas un travail sur les métaphores.
J'y explique que le clean language n'est pas un travail sur les métaphores comme l'est le travail sur les submodalités, mais un travail sur les symboles. Et que le but du clean n'est absolument pas de changer ou de modifier ces symboles. Il s'agit de permettre au patient de percevoir son état interne en focalisant délibérément son attention sur ce qu'il ressent au moment où il le ressent.
Qu'est-ce que percevoir ?
L'acte de percevoir est défini ainsi :
Opération psychologique complexe par laquelle l'esprit, en organisant les données sensorielles, se forme une représentation des objets extérieurs et prend connaissance du réel.
Le clean, c'est percevoir son état interne
Le clean en focalisant l'attention du patient sur ce qu'il ressent et qui lui est indistinct, incomprehensible ou sur lequel il fait un quiproquo, lui permet de le percevoir.
Cet acte de perception qui est la réunion des informations sensorielles, émotionnelles, mémorielles du moment en une image permet au patient d'en prendre connaissance et d'en saisir le sens.
- Il est donc crucial de ne pas introduire d'autres informations dans le mix que découvre le patient, car cela viendrait fausser sa perception (faux souvenirs).
- Et ce serait une erreur tout aussi grave que d'altérer le sens de cette perception par une interprétation ou une projection (fausses croyances).
Percevoir son état interne, c'est symboliser
L'organisation des données internes en une image qui prend sens, c'est la symbolisation. Le terme qui signifie symbole implique toujours le rassemblement de deux moitiés : signe et signifié.[2].
Percevoir son état interne et symboliser, c'est la même chose.
Le clean permet et protège l'activité de symbolisation
Voici ce que disait Jung à propos de l'Imagination Active, une forme plus ancienne du même processus.
L'image et le sens sont identiques et, à mesure que la première prend forme, le second devient clair.
En fait, le motif n'a pas besoin d'être interprété : il dépeint sa propre signification.[1]
Cependant, malgré ses dires, Jung interprétait encore largement et forçait les symboles du patient à se conformer à ses projections et à sa mythologie personnelle.
Le clean, à travers sa syntaxe et la posture du thérapeute qu'il induit, est construit pour focaliser l'attention du patient sur ses états internes et lui permettre de les percevoir. Mais, le clean est aussi construit pour contraindre le thérapeute à respecter les symboles du patient, en limitant sa capacité à introduire des éléments étrangers.
Symboliser, c'est l'activité qui survient en transe
Enfin, le symbole : la perception de notre réalité interne, est hallucinatoire, comme est hallucinatoire notre perception de la réalité externe.
Il constitue l'imagerie mentale. Pour Bachelard, c'est l'instance première de la pensée. La pensée qui n'utilise pas l'outil cognitif qu'est le langage.
Le langage est un outil pour la pensée comme le couteau est un outil pour la main. Mais ce serait une erreur de confondre le couteau et la main, comme c'est une erreur de confondre le verbe avec la pensée.
Symboliser, c'est penser sans les mots et c'est cette activité que l'on appelle aussi l'imagination créatrice.
Ce que l'on observe lorsque l'on utilise le clean, c'est un patient intensément attentif en train de percevoir sa réalité intérieure, dans la forme primordiale de la pensée.
Être immergé dans cette trame symbolique hallucinatoire qui se modifie et évolue, au fur et à mesure que l'on pense en images, c'est le sommeil lucide tel qu'il a été défini par de Faria : la transe somnambulique.
De même, le mot "somnambule" sera caractérisé le mot grec épopte, qui signifie celui qui voit tout à découvert. Il est question ici de connaitre l’état de l’âme et non du corps.
Mais qui a été nommé par la suite "rêve éveillé" par Léon Daudet, "imagination active" par Jung, "conscience imageante" par Sartre, "imaginal" par Henry Corbin.
C'était l'hypnose, avant que Bernheim ne mette en avant le langage et son utilisation et ce faisant change la nature de l'hypnose.
Exemple clinique
Un patient que j'ai suivi et que je connais bien, revient car il sait que dans quelques mois il aura un gros enjeu professionnel. Depuis qu'il le sait et ça fait des semaines qu'il le sait, il à peur de ce qui l'attend. Il est angoissé, il somatise, il dort mal, il rumine sa situation, il anticipe l'échec, il est irritable. Lui, qui d'habitude est très efficace, n'arrive plus à s'organiser.
Bref, il est stressé.
Il me dit : "Je me sens bloqué. Je suis comme un petit bonhomme en bas d'une énorme montagne et le chrono est déclenché."
C'est la métaphore qu'il utilise pour me faire comprendre son état d’esprit.
Dans le dialogue en clean suivant, je vous simplifie la syntaxe du clean car sinon c'est illisible, bien que cette syntaxe particulière ne gène en rien le patient (au contraire). Il ne s'agit pas ici de vous apprendre le maniement du clean mais de vous en montrer l'objet et l'effet.
Dialogue en clean
- Et quand bloqué ...
Je suis dans la salle à manger de ma maison, je regarde la fenêtre, la terrasse
Il y a mon grand-père dans son fauteuil, ma mère, le chien
Je suis petit, j'ai 8 ans
C'est le bonheur - Et, quand "Bonheur", qu'est ce qui se passe ensuite ?
Je pars, j'ai 15 ans, je suis dans la rue, je monte dans une voiture, une golfe rouge. - Et, "je pars" et quand "je pars", qu'est ce qui se passe ensuite ?
Je suis dans le salon, les rideaux, la même scène, je suis adulte, seul, tout seul (il pleure) - Et quand "seul" comme "seul" quand "seul, dans le salon" qu'est ce que tu aimerais qu'il se passe ?
Que mon grand-père vienne (il a des spasmes) - Et que "grand-père" vienne et est-ce que "grand-père" peut venir ?
Il n'est plus là (il pleure) - Et quand "il n'est plus là", où est "grand-père" quand "il n'est plus là"
Il est parti (il pleure, il a des spasmes) - Et quand "parti" et "il n'est plus là" qu'est-ce que "grand-père" aimerait qu'il se passe ?
Il vient, il est à table
Je le prends dans mes bras
Il me voit grand, il est fier, il est content
Je sens qu’il est apaisé, il est bien où il est
Je lui dis que je le rejoindrai un jour
Il me dit de vivre
Maintenant, je peux partir. Je peux quitter la maison
Je me sens fort à l’extérieur - Et prends tout le temps qu'il faut pour te sentir fort
Il met de longues minutes à émerger
Debriefing
Qu’est ce que je suis bien
Je suis vidé
J’étais dans un film
J’ai tout compris
J’étais là bas et, j’étais avec vous
Je suis parti loin
Je me suis senti fort après que j'ai pris ce temps avec lui.
Mais mains étaient là (il montre la position réelle de ses mains) mais j’ai l’impression qu’elle étaient comme ça (il embrasse le vide)
Me retrouver dans la maison, je me suis vu gamin avec la terrasse, le chien, le bonheur
Je me suis vu me barrer ado, tourner le dos
Je me suis vu adulte
Je n’avais pas été là à l’époque quand j’avais 15 ans (le moment où le grand-père est décédé)
Je m’en suis toujours voulu, toujours senti coupable
Même si 1000 fois, ma mère m'a dit que non
Ça m’a fait du bien de savoir qu’il acceptait, qu’il était en sécurité et qu’un jour je le trouverai
Il m’a donné une force,
Il a rassuré cette part d’enfant en moi
Ça m’a fait du bien
Je sentais que je mettais des à-coups c’était désagréable, je pouvais pas contrôler et à un moment j’ai réussi à trouver le mouvement de relâchement, d’ouverture avec les bras, je suis passé à autre chose. Comme si je trimbalais des colères (je sais pas si c’est ce mot) un truc qui a envie d’exploser, j’ai pas le mot.
Là je me sens près à sortir, ça me fait pas peur
J’ai fait un bond dans le passé, je me suis senti hyperpresent et ça m’a donné la force dans le présent.
Conclusion
Pensez-vous que changer la taille de la montagne ou arrêter le chrono dans la métaphore communicationnelle initiale aurait eu le même effet ?
Toutefois, le clean ce n'est pas simplement laisser le patient contempler son paysage symbolique. Il s'agit de l'amener à le modifier d'une manière qui soit respectueuse et cohérente avec ce qu'il est. Il s'agit d'une intervention psychothérapeutique. Ceci ne s'improvise pas
Si vous voulez en savoir plus sur le clean, son rapport avec la transe somnambulique et l'utilisation des deux, je donne une formation en mars à l'AFNH à Marseille.

Des ressources sur le net
D'autres ressources sur le clean language. Je n'ai pas de lien d’intérêt avec eux.
Mais ma compréhension du clean à vraiment évoluée, lors des deux années de masterclass que j'ai suivi avec Norman Vaughton. Un hypnothérapeute qui a collaboré pendant 15 ans avec David Grove (un hypno, lui aussi). C'est avec lui que j'ai vraiment compris ce que le clean est à l'hypnose et que j'ai appris à l'utiliser.
Le site de Noémie Dehouck avec qui j'ai eu le plaisir de découvrir le clean.

Un site français pour les non-anglophones

La référence anglo-saxonne, essentiellement autour de Penny Tompkins et James Lawley.

Jung on active imagination, pge 292 ↩︎
Sur l’étymologie de Sumbolon, cf. R. Alleau, De la nature des symboles, pp. 14, 49 ↩︎