L'hypnose est elle dangereuse ?

Et, pourquoi il faut souhaiter qu'elle le soit

L'hypnose est elle dangereuse ?
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Sans risque, pas d'efficacité.

Si l'on soigne, alors on a absolument besoin d'une méthode qui crée une différence. Une différence entre la maladie et la santé. Si cette méthode est utilisée mal à propos, maladroitement, sur le mauvais patient, au mauvais moment ou dans les mauvaises conditions, alors parce qu'elle est efficace, elle sera dangereuse.

Une méthode qui ne comporte aucun risque est une méthode qui ne fait aucune différence.

Ouvrir un ventre en cas d'appendicite aiguë est une méthode extrêmement efficace. Ça fait la différence entre la vie et la mort. Mais ouvrir un ventre ne s'improvise pas, précisément car ouvrir un ventre est capable de faire une telle différence.

1 - Les accidents de l'hypnose

Un accident est un aléas, un impondérable. Tout aurait du bien se passer mais de manière inattendue et imprévisible, ça à mal tourné. Parfois, dramatiquement.

Dans le cadre de l'hypnose, il existe des histoires de ce type. Typiquement, une personne se fait hypnotiser et quelques temps après elle se suicide, fait une bouffée délirante ou développe un accès maniaque.

Il n'y a pas de régularité dans ces cas, qui restent isolés. Ce sont des histoires de chasse. Des coïncidences montées en épingle pour faire le buzz.

Cum hoc ergo propter hoc.
"Corrélation n'est pas causation"

2 - Les effets secondaires de l'hypnose

Un effet secondaire est une réaction indésirable faisant suite à une procédure hypnotique.

Etudes scientifiques

Toutes les études doivent être déclarées, et enregistrées dans la base de données internationale Clintrial. Depuis 2008, tous les effets indésirables survenant lors d'un protocole d'étude sont obligatoirement déclarés. Les investigateurs doivent déclarer les "évènements indésirables" et les "événements indésirables graves"

Cela permet d'avoir une idée claire de l'incidence des événements indésirables de tout types, lors des protocoles de recherches impliquant l'hypnose. Avec toutes les limites quant au type d'hypnose utilisée, à l'état obtenu et aux présupposés du patient, qui sont la plupart du temps inconnus.

La méta-analyse de Bollinger.

Cette méta-analyse portant sur 429 participants de 7 études différentes a retrouvé :

    • 2 événements indésirables graves (vomissements et déshydratation) soit une incidence de 0,47%. Les deux événements sont survenus lors d'une étude sur chimiothérapie et hypnose.
    • 18 événements indésirables (3 hematomes, 13 irritations dermiques, 1 cauchemars, 1 "images et pensées troublantes")

soit une incidence de 4,2% d'évènement indésirables et 0,47% possiblement attribuables à la procédure hypnotique

Jared W. Bollinger (2018). The Rate of Adverse Events Related to Hypnosis During Clinical Trials, American Journal of Clinical Hypnosis, 60:4, 357-366,

La méta-analyse de Häuser

Elle est centrée sur hypnose et colopathie et a trouvé 2 événements indésirables sur 464 patients (vertiges et attaques de panique) soit une incidence de 0,43%

Häuser, W. P. D., Hagl, M., Schmierer, A., & Hansen, E. (2016).The efficacy, safety and applications of medical hypnosis a systematic review of meta-analyses. Deutsches Ärzteblatt, 113(17), 289–296.

La méta-analyse de Kihlstrom.

0,5% des patients participant à des études expérimentales sur l'Hypnose présentent des événements indésirables (somnolence, désorientation, sensations vertigineuses)

Kihlstrom, J. F. (2013). Hypnosis research: A human subjects protocol for hypnosis.

3 - Les complications lors de la transe

Ce sont les évènements non désirés, inattendus, survenant pendant la transe. On aurait bien voulu s'en passer mais maintenant il faut composer avec.

Typiquement :

  • une "abréaction"
  • l'émergence d'une personnalité alterne sadique ou malveillante
  • un patient incapable de sortir de transe comme Justine.
  • etc...
Justine
Thérapie d’un trouble dissociatif de l’identité.

Une complication est une complication pour l'hypno-thérapeute. Du point de vue du patient, c'est le problème pour lequel il est venu consulter qui se manifeste.

La résolution des complications, c'est la thérapie en train de se faire.

Les complications doivent être gérées pendant la transe par l'hypno-thérapeute et la résolution de la complication (bonne ou mauvaise) doit tout à l'expérience et à la maitrise du praticien.

Sans expérience, ne vous lancez pas dans une thérapie, a fortiori d'un problème dont vous ignorez tout.

"If a person is not professionally qualified to treat something without hypnosis, then they're not qualified to treat it with hypnosis either".
Pr Martin Orne

4 - Les erreurs lors de l'hypnose

Une erreur est un comportement fautif. On vous a dit qu'il ne fallait pas le faire, la conséquence en était parfaitement prévisible, c'est pour cela qu'il ne fallait pas le faire. Les conséquences peuvent être graves, perdurer après la séance d'hypnose et votre responsabilité est complète.

Typiquement :

  • Confondre une expérience hypnotique avec un souvenir.
  • Prendre une "abréaction" une "reviviscence" pour un souvenir.
  • Croire que l'on vient de lever une amnésie traumatique.
  • Valider la croyance que les personnalités alternes ont une existence propre et un libre arbitre.

Pourquoi ce sont des erreurs ?

1 - Le syndrome des faux souvenirs

Personne ne connait au juste le nombre de patients ayant développé des faux souvenirs suite à l'intervention des "thérapeutes de la mémoire retrouvée". Des faux souvenirs de viols, d'incestes, d'actes de barbarie, de crimes "sataniques", d'enlèvement par les extra-terrestres, de souvenirs intra-utérins, etc..

Les données scientifiques accumulées depuis des décennies sont absolument claires sur le fait que l'hypnose n'améliore pas le rappel mnésique mais augmente la croyance en toutes expériences hypnotiques.

Les effets de l’hypnose sur la mémoire
La mémoire est le phénomène le plus intensivement étudié dans le domaine de l’hypnose.

Le problème n'est pas que les patients ont vécu des expériences fortes en transe. Elles peuvent (doivent) être utilisées de manière thérapeutiques et sont des leviers puissants. Le problème est que les praticiens les ont validées comme souvenir d'une expérience réelle.

Mon patient fait une abréaction
Comment réagir

2 - Les personnalités multiples

Les USA on vécu dans la décennie 1980 la pire épidémie de maladies psychogèniques de masse de l'Histoire : "les personnalités multiples".

Cette épidémie à été initiée par le livre "Sybil" racontant la thérapie d'une patiente "multiple" par le Dr Cornelia Wilbur. Elle a été propagée par les médias et les thérapeutes croyant que les personnalités alternes (ou alters) sont une réaction à des événements traumatisants survenus précocement. Cette épidémie a entrainé la création de milliers de personnalités multiples artificielles.

Les "thérapeutes" recherchaient activement des "alters" chez leurs patient lors de transe. Ils les suscitaient au moyen de questions inductrices puis il les validaient auprès du patient comme étant réels et pouvant se manifester spontanément. Par ailleurs, ils croyaient que la présence de ces alters venaient prouver l'existence d'un traumatisme resté inconscient et qu'il fallait découvrir.

Les phénomènes de "possessions" apparentes, de "changement" de personnalités sont retrouvés dans la plupart des cultures humaines. C'est un phénomène culturel, transmis, appris par les "possédés" et qui joue un role social. Cela n'a rien à voir avec l'inceste ou les traumatismes précoces.

Comment reconnaitre le Trouble Dissociatif de l’Identité
Tous les TDI ne sont pas des TDI

Conclusion

Si l'hypnose en elle-même n'est pas dangereuse, son utilisation peut l'être.

En particulier, si l'opérateur confond expérience de transe et souvenir.