Les effets de l'hypnose sur la mémoire

La mémoire est le phénomène le plus intensivement étudié dans le domaine de l'hypnose.

Les effets de l'hypnose sur la mémoire
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La mémoire est le phénomène le plus intensivement étudié dans le domaine de l'hypnose[1]

Pour résumer, l'hypnose abaisse le seuil de rappel, ce qui entraîne à la fois plus d'informations correctes et incorrectes.

Cependant ces informations mélangent information réelles, informations reconstruites, effets de l'influence de l’opérateur, effets des attentes du sujet. Bref, l'effet de l'hypnose sur la mémoire peut être mieux compris comme étant une augmentation du bruit par rapport au signal.

Ce que l'on sait actuellement des rapports de l'hypnose et de la mémoire.

  1. l'hypnose produit plus d'erreurs de rappel, plus d'intrusions d'erreurs non corrigées, et des niveaux plus élevés de souvenirs de fausses informations[2].
  2. Lorsque l'on recherche une information précise, il n'y a pas de différences dans la précision des souvenirs entre les conditions hypnotiques et non hypnotiques[3].
  3. Lorsque le volume de rappel est statistiquement contrôlé, le rappel hypnotique n'est pas plus précis que le rappel non hypnotique (voir la revue narrative de 34 études d'Erdelyi et la méta-analyse de 24 études de Steblay & Bothwell) et l'hypnose entraîne une plus grande confiance dans les souvenirs rapportés, indépendamment de leur précision
  4. L'hypnose n'augmente pas la fiabilité des souvenirs retrouvés, mais accroît la confiance du sujet, à tort ou à raison, dans leur exactitude[4][5].
  5. Vingt-trois études[6]ont trouvé que l'hypnose augmente la confiance en des fausses informations induites par rapport à un groupe non hypnotique, ou que les participants ayant été hypnotisés se remémorent avec conviction de faux souvenirs d'événements qu'ils ont précédemment niés avant l'hypnose.
  6. l'augmentation de la confiance dans le rappel et les faux souvenirs sont associés à l'hypnotisabilité, bien que même les participants relativement peu hypnotisables rapportent des faux souvenirs et une confiance injustifiée dans ces souvenirs induits[7][8].
  7. l'hypnose est associée à une augmentation du taux de souvenirs non plausibles car daté d'avant la limite acceptée de l'amnésie infantile (2 ans)[9]
  8. même lorsque les participants sont avertis des problèmes de mémoire du fait de l'usage de l'hypnose, ils continuent à rapporter de faux souvenirs pendant et après l'hypnose, bien que certaines études indiquent que les avertissements réduisent le taux de pseudo-souvenirs chez les individus hypnotisés et non hypnotisés[10].

Au total

  • L'hypnose n'induit pas d'hypermnésie[11]
  • L'hypnose ne permet pas mieux de retrouver des souvenirs, même lorsqu'il s'agit d'évènements chargés en émotions[12]
  • L'hypnose entraîne des erreurs de mémoire[2].

En conséquence des preuves d'altérations des souvenirs provoqués par l'hypnose

La justice de multiples états américains à décidé de ne pas utiliser les témoignages obtenus sous hypnose car :

  1. le sujet devient hypersuggestible ;
  2. le sujet peut combler les trous de mémoire par des fantasmes ;
  3. le sujet peut développer une confiance injustifiée dans la version de l'histoire qui a émergé pendant ou grâce à l'hypnose ;
  4. le sujet peut devenir moins apte à distinguer les souvenirs exacts des souvenirs inexacts
  5. le sujet peut incorporer des informations postérieures à l'événement dans le récit.

Citant Diamond[13], la Cour a déclaré que "les souvenirs rappelés par l'hypnose sont susceptible d'être une mosaïque de :

  1. d'événements exacts et appropriés,
  2. d'événements réels totalement hors de propos,
  3. de pure fantaisie,
  4. de détails fantasmés pour former un tout logique"[14].

De même, la position de la France est de refuser l’admissibilité des témoignages post-hypnose

Dans un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation du 12 décembre 2000 (La semaine juridique. Ed. Générale n° 12, 21 mars 2001), puis dans une décision rendue le 28 novembre 2001 (Dalloz 2002, p 372), les juges ont affirmé que le recours à l'hypnose n’est pas conforme aux dispositions légales relatives au mode d’administration des preuves en matière pénale.

Selon la Cour de Cassation, un témoin ne doit en aucune façon être préparé par qui que ce soit, afin d’éviter, autant que possible, toute manipulation.

La Cour a considéré que l’audition d’un témoin sous hypnose éludait les règles de procédure, compromettant les droits de la défense, même si elle était pratiquée avec l’accord de l’intéressé. L’audition d’un témoin est une opération qui engage la personne qui s’y prête, qui est donc tenue de dire la vérité et qui implique donc qu’elle soit pleinement consciente de ce qu’elle dit. Or lorsqu’une personne est placée sous hypnose, elle ne contrôle pas réellement sa parole et ne peut donc pas prêter serment avant de témoigner afin de dire la vérité.

Ces témoignages, recueillis par des hypnologues, qu’ils soient considérés ou non comme des experts, présentent trop de risques quant à leur fiabilité ou portent atteinte aux droits de la partie défenderesse et ne peuvent donc pas être valablement admis par les juges en tant qu’élément de preuve[15].


  1. Terhune DB, Cleeremans A, Raz A, Lynn SJ. Hypnosis and top-down regulation of consciousness. Neuroscience and Biobehavioral Reviews. 2017. ↩︎
  2. Steblay, N. M., & Bothwell, R. K. (1994). Evidence for hypnotically refreshed testimony: The view from the laboratory. Law and Human Behavior, 18(6), 635–651. https://doi.org/10.1007/BF01499329 ↩︎
  3. Lynn, S. J., Green, J. P., Polizzi, C. P., Clinical, S. E. J. O., 2019. (n.d.). Hypnosis, hypnotic phenomena, and hypnotic responsiveness: Clinical and research foundations—A 40-year perspective. Taylor & Francis ↩︎
  4. Orne, M. T. (1959). The nature of hypnosis: Artifact and essence. The Journal of Abnormal and Social Psychology, 58(3), 277–299. https://doi.org/10.1037/h0046128 ↩︎
  5. Pettinati, H. M. (Ed.). (1988). Hypnosis and memory. The Guilford Press. ↩︎
  6. Lynn, S. J., Krackow, E., Loftus, E. F., Locke, T. G., & Lilienfeld, S. O. (2015). Constructing the past: Problematic memory recovery techniques in psychotherapy. In S. O. Lilienfeld, S. J. Lynn, & J. M. Lohr (Eds.), Science and pseudoscience in clinical psychology (pp. 210–244). The Guilford Press. ↩︎
  7. Lynn, S. J., Myers, B., & Malinoski, P. (1997). Hypnosis, pseudomemories, and clinical guidelines: A sociocognitive perspective. In J. D. Read & D. S. Lindsay (Eds.), Recollections of trauma: Scientific evidence and clinical practice (pp. 305–336). Plenum Press. https://doi.org/10.1007/978-1-4757-2672-5_12 ↩︎
  8. Dinges, D. F., Whitehouse, W. G., Orne, E. C., Powell, J. W., Orne, M. T., & Erdelyi, M. H. (1992). Evaluating hypnotic memory enhancement (hypermnesia and reminiscence) using multitrial forced recall. Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, and Cognition, 18(5), 1139–1147. https://doi.org/10.1037/0278-7393.18.5.1139 ↩︎
  9. Lynn, S. J, Matthews, A, Barnes, S. (2008), Hypnosis and Memory: From Bernheim to the Present from: Handbook of Imagination and Mental Simulation Routledge. https://www.routledgehandbooks.com/doi/10.4324/9780203809846.ch7 ↩︎
  10. Neuschatz, J.S.; Lynn, S.J.; Benoit, G.E.; Fite, R. (2002) Hypnosis and Memory Illusions: An Investigation Using the Deese/Roediger and Mc Dermott Paradigm,  Imagination, Cognition and Personality 22(1): 3-12, 2002, 0276-2366, https://eurekamag.com/research/084/601/084601639.php ↩︎
  11. Erdelyi, M. (1994). Hypnotic hypermnesia: The empty set of hypermnesia. International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis, 42, 379–390. ↩︎
  12. Lynn, S. J., Lock, T. G., Myers, B., & Payne, D. G. (1997). Recalling the unrecallable: Should hypnosis be used to recover memories in psychotherapy? Current Directions in Psychological Science, 6, 79–83 ↩︎
  13. Diamond, B. L. (1980). Inherent problems in the use of pretrial hypnosis on a prospective witness. California Law Review, 1980, 68, 313-349. ↩︎
  14. Karlin, R. A., & Orne, M. T. (1996). Commentary on Borawick v. Shay: Hypnosis, social influence, incestuous child abuse, and satanic ritual abuse: The iatrogenic creation of horrific memories for the remote past. Cultic Studies Journal, 13(1), 42–94. ↩︎
  15. https://blogs.parisnanterre.fr/content/la-recevabilité-dun-témoignage-sous-hypnose-en-tant-que-moyen-de-preuve-approche-comparée-et ↩︎