Comment reconnaitre les TDI (trouble dissociatif de l'identité) et ne pas aggraver une situation déjà préoccupante

Tous les TDI ne sont pas des TDI

Comment reconnaitre les TDI (trouble dissociatif de l'identité) et ne pas aggraver une situation déjà préoccupante
Photo by Rostyslav Savchyn / Unsplash

Tous les TDI ne sont pas des TDI

Probablement, vous rencontrerez des personnes s'étant diagnostiqué un TDI.

Ce ne seront vraisemblablement pas des patients souffrant de trouble dissociatif, mais des sujets contaminés par une maladie psychogénique épidémique (mass psychogenic illness). Les épisodes épidémiques sont fréquents, on ne les dénombre même plus[1]. Toutes idées, tous comportements peuvent devenir viraux. Ils étaient historiquement restreints à de petites collectivités : couvent, caserne, école, entreprise, village, famille, mais avec les réseaux sociaux et les médias de masse, ils ont pris une ampleur jusque là inconnue.

Les pathologies mimétiques épidémiques, ne sont pas des problèmes mineurs. Nous appelons par exemple : « Effet Werther » les épidémies de suicides qui suivent les suicides de célébrités.

Ces patients ne présentent pas un trouble dissociatif de l'identité, mais un besoin pathologique d'appartenance et tout ce qui :

  • les expose à l'identité morbide à laquelle ils adhèrent
  • valorise les manifestations de cette identité morbide
  • les valorise pour "avoir" cette identité morbide
  • diffuse le modèle morbide,

est un motif d'entretien ou d'aggravation.

Les réseaux sociaux constituent la voie de contamination la plus efficace

La première épidémie dans laquelle les réseaux sociaux ont joué un rôle, date de 2011 aux USA, dans un collège à Leroy. Il s'agissait de tics faciaux, de contractions musculaires et de troubles de l'élocution. L'épidémie ne s'est arrêtée que lorsque les médias ont cessé de s'y intéresser et de diffuser les vidéos des patients contaminés. C'est la première fois que les patients diffusaient eux-mêmes leur propres vidéos sur les réseaux sociaux, amplifiant l'épidémie et recevant des encouragements en retour.

À cette époque, les médias étaient plus importants que les réseaux sociaux, ce n'est plus le cas maintenant.

Les conseils pour gérer ces épisodes n'ont jusqu'à présent pas changé depuis ceux donnés à la fin du Moyen Âge pour réprimer les épidémies de troubles de conversion dans les couvents européens et répétés au cours des siècles suivants : rassurer, séparer les victimes et les tenir à l'écart de l'environnement […] jusqu'à la disparition des symptômes. Compte tenu de la prolifération d'Internet et des réseaux de médias sociaux, cette dernière recommandation peut s'avérer problématique. Les prêtres locaux, inévitablement appelés à exorciser les "démons", ont dû faire face à une tâche ardue en raison de la croyance répandue en la sorcellerie, mais ils ont eu de la chance sur un point : ils n'ont pas eu à faire face aux téléphones portables, à Twitter et à Facebook[1].

Il faut considérer qu'à notre époque tout modèle sera diffusé et deviendra viral. Les réseaux sociaux sont construits pour cela. Les contre-mesures pour limiter les conséquences des modèles pathologiques doivent diffuser et devenir virales aussi.

Les hypnos sont en position d'agir

Le pseudo-TDI et l'amnésie traumatique sont deux des modèles épidémiques parmi les plus en vogue actuellement. Ce sont des patients qui viennent consulter les hypnos car cela fait partie du modèle. Vous pouvez donc jouer un rôle majeur dans l'évolution de ces pathologies.

Il est crucial de savoir faire la différence entre trouble dissociatif et pathologie mimétique avant de proposer une intervention.

Que faire en pratique, en cas de trouble mimétique :

  • Restreindre le modèle à la consultation et lui donner un rôle thérapeutique, il devient valorisant, car il permet la guérison.
  • Donner une explication anodine, commune et non fantastique au modèle. Il ne doit pas être un facteur de valorisation en soi.
  • Les manifestations non désirées du modèle sont délibérément ignorées. Seules les manifestations utiles au but thérapeutique sont valorisées, renforcées.
  • Les séances sont conditionnées par les manifestations morbides, mais de manière à renforcer les comportements sains :
plus de pathologie = moins de séances (on va trop vite)
moins de pathologie = plus de séances (vous progressez super bien)
  • Ne dégradez pas un modèle initialement handicapant en un modèle intrinsèquement dangereux. Par exemple, en "cherchant" des alters psychotiques ou suicidaires, ce qui fut un cas commun aux USA pendant l'épidémie de MPD. Ou en "cherchant" d'autres "trauma". En matière de traumas psychologiques, les choses ont le mérite d'être simples : soit le patient les connait, soit il n'en a pas. Mais, il peut décider de ne pas vous en parler.
  • Ne complexifiez pas le modèle, sauf éventuellement pour aller vers la guérison et c'est à faire avec précaution.

Comment se présente un patient TDI en consultation

Tous les signes que j'énumère ici ne sont pas forcements présents, mais vous allez retrouver cette ambiance caractéristique.

  • Le handicap est sévère.
  • Il sous-estime l'importance de ses problèmes et ne semble pas en être conscient, c'est : "la belle indifférence".
  • Le décalage est complet entre la gravité des troubles, l'importance de leurs conséquences et la présentation du patient qui est souriant, détendu.
  • Il est souvent nécessaire qu'un proche vienne expliquer et décrire l'ampleur des problèmes réels et concrets omis par le patient.
  • Plusieurs médecins et des services médico-sociaux sont impliqués dans le suivi.
  • La pathologie évolue depuis des années.
  • Il y a de multiples symptômes graves et variés : crises non épileptiques, crises cataleptiques, mouvements anormaux psychogènes, paralysie, black-out, symptômes organiques médicalement inexpliqués, hallucinations auditives, hallucinations visuelles, altération de l'agentivité, déréalisation chronique.
  • Les hallucinations (s'il y en a) sont menaçantes, agressives, effrayantes.
  • Les amnésies (s'il y en a) sont décrites comme des black-out, peuvent porter sur n'importe quoi dont des moments agréables, neutres ou gratifiants. Le patient ne peut rien en dire.
  • Le patient peut dire qu'il a eu un black-out pendant lequel on lui a rapporté qu'il a continué d'agir, mais n'a aucune connaissance de ce qu'il a dit ou fait.
  • C'est à la faveur d'un black-out qu'un témoin peut raconter que le patient n'était pas lui-même. Le patient n'en a aucun souvenir et n'en dit rien : la belle indifférence.
  • Le patient peut parler de "ce" corps qui parfois bouge ou agit seul, de son cerveau qui veut ceci ou cela.
  • Le patient ne sait pas expliquer ses symptômes et ne forme pas d'hypothèses.
  • Les symptômes peuvent survenir en privé, sans témoin, ou la nuit pendant le sommeil. En général sans déclencheur émotionnel.
  • Le patient tente de les dissimuler. Par exemple, il continue d'aller travailler malgré une paralysie.
  • L'histoire du patient est découverte au fur et à mesure. Il n'y a pas de thème qui apporte une cohérence. Il faut reconstruire et dater les événements.
  • Les événements possiblement traumatisants (s'il y en a) sont minorés, passés sous silence, décrits de manière anecdotique et sans être reliés à la pathologie. Ils ne donnent pas forcément lieu à des flash-back.

Bref, le patient ne comprend rien à ce qui lui arrive, et ne peut pas l'expliquer. De plus, il n'a pas grand-chose à en dire et au total : "il ne sait pas" alors qu'il mobilise des ressources médico-sociales importantes, parfois depuis des années.

L'origine de cette pathologie est inconnue.

Elle ne semble pas être épidémique (mais un patient TDI peut être à l'origine d'une épidémie mimétique). Les cas sont isolés, ne reçoivent pas de renforcement social. Les patients ne sont pas à la recherche de renforcements, au contraire, ils dissimulent leurs symptômes. Les symptômes sont influençables, comme tous symptômes psychogéniques, mais pas dans la mesure des symptômes des patients mimétiques. Le psychotrauma n'est qu'une des hypothèses explicatives parmi d'autres, mais ce n'est pas la cause certaine.

Comment se présente un patient pseudo-TDI en consultation

Ce sont les drapeaux rouges qui doivent attirer l'attention et faire remettre en cause un diagnostic de trouble dissociatif. Ils ne sont pas forcements tous présents.

  • Le patient s'est auto diagnostiqué un TDI.
  • Il utilise des termes techniques : TDI, alters, système, dissociation, switch, etc...
  • Il a été exposé à des modèles sur les réseaux sociaux.
  • Les problèmes sont récents.
  • Les symptômes se manifestent sous une forme unique : les changements de personnalités.
  • Il sait qu'il a des amnésies, d'ailleurs il sait ce qu'il a oublié (les lourds traumas familiaux) quand il a oublié et pourquoi il a oublié.
  • Il n'oublie pas les moments agréables ou neutres.
  • Il décrit facilement les traumas dont il dit avoir été victime.
  • Il décrit son histoire de manière chronologique.
  • Il parle de lui à la première personne.
  • Il décrit l'expérience d'être possédé par une "partie dissociée" facilement, il peut nommer l'épisode, lui donner un début et une fin, connait les intentions de la "partie dissociée".
  • Il parle avec ses "voix" qui sont amicales, coopérantes et sympathiques. Il identifie chacune d'elles.
  • Le patient décrit la forme caricaturale du MPD (Multiples Personality Disorder) dont le prototype est le roman "Sybil". Des personnes le reconnaissent et l'abordent, mais il ne sait pas qui elles sont. Il trouve dans ses placards des vêtements, de la nourriture ou des objets qui ne sont pas à son goût et qu'il ne se souvient pas d'avoir achetés. Il trouve des textes qu'il ne se souvient pas d'avoir écrits, et écrits d'une autre écriture que la sienne. Il s'est retrouvé dans des endroits improbables, sans savoir comment il y était arrivé.
  • Le patient tend des perches pour que l'on fasse le diagnostic et insiste ou cherche à convaincre qu'il a un TDI.
  • Il change de personnalité dans la séance et il peut l'annoncer ou prévenir qu'il va "switcher".
  • Il tient à son identité de TDI et n'accepte pas que le diagnostic soit interrogé.
  • Le TDI est une thématique centrale de sa vie sociale.
  • Il obtient une reconnaissance grâce à son TDI.

Bref, le patient est un expert du TDI (vu sur Internet) et vient vous demander de valider son auto-diagnostic.

L'origine de cette pathologie est sociale et repose sur une quête pathologique d'identité personnelle.

Vous pouvez trouver ici l'article dont je me suis inspiré[2].

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_psychoses_collectives ↩︎

Pietkiewicz et al., « Revisiting False-Positive and Imitated Dissociative Identity Disorder ↩︎


Bartholomew, Wessely, et Rubin, « Mass Psychogenic Illness and the Social Network ». ↩︎