Mon patient fait une abréaction (suite)

L'abréaction, ce n'est pas ce que vous croyez.

Mon patient fait une abréaction (suite)
Photo by Tom Pumford / Unsplash

Depuis le texte publié en 1895 par Freud : "Étude sur l'hystérie" qui rapporte la thérapie de Anna O menée par Breuer de 1880 à 1882, ces épisodes très typiques sont nommés des "abréactions".

Mon patient fait une abréaction
Comment réagir

Le néologisme que Freud a inventé en ajoutant le préfixe allemand "ab" à "réaction" implique que le patient répond à quelque chose d'ancien et de terminé, c'est à dire un souvenir.

  • L'abréaction, c'est la réaction émotionnelle pendant la transe.
  • La catharsis, c'est la technique thérapeutique utilisant systématiquement l'abréaction en transe pour purger l'émotion.

Freud rappelle la caractéristique principale de ces "souvenirs" qui est que précisément on ne s'en souvient pas.

un fait remarquable dont il y aura lieu de se servir, que ces souvenirs, contrairement à bien d’autres, ne sont pas tenus à la disposition du sujet. Tout au contraire, la mémoire des malades ne garde nulle trace des incidents en question ou alors ne les conserve qu’à l’état le plus sommaire. Ce n’est qu’en interrogeant des patients hypnotisés que ces souvenirs resurgissent, avec toute la vivacité d’événements récents.

Pour établir qu'il s'agit bien de souvenirs, il se fonde sur la réussite de la thérapie de Anna O par catharsis d'évènements ayant eu lieu précisément un an auparavant, ce dont Breuer avait la preuve grâce au témoignage de la mère de Anna O.

Six mois durant, une de nos malades revécut avec une netteté hallucinatoire tout ce qui l’avait émue le même jour de l’année précédente (pendant une hystérie aiguë). Un journal, tenu par sa mère et dont elle ignorait l’existence, vint prouver l’exactitude impeccable de cette réitération.

L'année suivante en 1896, Freud publiera "L'étiologie de l'Hystérie" où après avoir brièvement résumés les acquis de "Études sur l'Hystérie" :

Les symptômes de l'hystérie (les stigmates mis à part) tirent leur détermination de certaines expériences du malade qui ont agi de manière traumatique, et qui sont reproduites dans la vie psychique du patient sous la forme de symboles mnésiques.

Il affirmera avoir découvert la cause de la névrose après avoir analysé 18 patients plus profondément que ne l'avait fait Breuer avec Anna O.

Si vous soumettez au plus sévère examen mon affirmation selon laquelle l’étiologie de l’hystérie se trouverait dans la vie sexuelle, vous verrez qu’elle s’appuie sur ceci : dans quelque dix-huit cas d’hystérie, j’ai pu découvrir cette connexion pour chacun des symptômes, et, là où les circonstances le permettaient, j’ai pu en obtenir confirmation par le succès thérapeutique.

Les expériences sexuelles prématurées qu'il décrit sont des viols, des incestes, des agressions sexuelles, des attouchements, des attentats à la pudeur, etc.

Cette fois-ci la preuve n'est plus le journal de la mère établissant la réalité des événements remémorés mais les 18 patients traités qui tous révèlent sous hypnose qu'ils ont été victimes d'agressions sexuelles avant l'age de 8 ans.

Freud est à l'origine de la théorie de l'amnésie traumatique

Si vous trouvez que la théorie de Freud sur le trauma psychologique et l'abréaction qu'il a appelé : "théorie de la séduction" ressemble à la théorie du trauma, mais aussi à celle de "l'amnésie traumatique" et à toutes celles qui font du trauma inconscient l'origine de tous nos maux, vous avez raison car ce sont les mêmes.

C'est aussi la même théorie qui sous-tendait la pratique de la "thérapie des souvenirs retrouvés" [recovered-memory therapy] de sinistre mémoire. Et l'on peut considérer que le Freud de cette époque est le premier "thérapeute de la mémoire retrouvée"

Les arguments de Freud sont mensongers et falsifiés délibérément

Sur le plan historique on sait maintenant avec certitude que la thérapie de Anna O à été un échec[1], contrairement à ce qu'a affirmé Freud et que la partie décrivant les abréactions à un an d'intervalle et donc établissant la réalité des souvenirs est un faux[2]. De même, les 18 cas d'hystérie qu'il donnait en 1896 comme preuve de la validité de sa théorie n'ont jamais existé.

En effet, il écrivait à son ami Willelm Fliess[3] en 1896 :

"Mon cabinet est vide, je n’ai pas vu de nouveau visage depuis des semaines, n’ai pu commencer aucune cure nouvelle, et aucune des anciennes n’est encore terminée"

et en 1897 :

« Je n’ai encore achevé aucun cas, je suis encore aux prises avec les difficultés du traitement et de la compréhension »

Tout à été falsifié par Freud.

Conséquences des mensonges Freudiens

La ré-activation de la théorie de la séduction dans les années 80 aux Etats-Unis par les "thérapeutes de la mémoire retrouvée" sera responsable de l'épidémie de faux souvenirs d'incestes puis de faux souvenirs d'abus par des sectes sataniques, puis de faux souvenirs d'abduction par des extra-terrestres.

Chaque fois car des scènes hallucinatoires apparues lors de séances d'hypnose ou d'imagerie guidée seront prises pour des souvenirs d'évènements réels.

Que dit la science des effets de l'hypnose sur la mémoire.

Les effets de l’hypnose sur la mémoire
La mémoire est le phénomène le plus intensivement étudié dans le domaine de l’hypnose.
  • La transe n'induit pas d'hypermnésie et n'augmente pas la qualité de la remémoration[4]
  • La transe ne permet pas de mieux retrouver des souvenirs, même lorsqu'il s'agit d'évènements marquants[5]
  • La transe entraine de très fréquentes erreurs de mémoire (erreur de rappel et erreurs de contenu)[6]
  • La transe augmente la confiance dans le résultat de l'expérience hypnotique, quelque soit son contenu[20].

Que dit la science des effets du trauma sur la mémoire

Les hormones du stress favorisent la mémorisation

  • L'adrénaline renforce la mémorisation et non l'oubli.[7]
  • Les très fortes doses d'adrénaline n'empêchent pas la mémorisation, bien qu'elle ne la renforce plus[8]
  • Le cortisol augmente l'encodage et la consolidation des souvenirs[9]
  • Ce sont le propranolol et la clonidine des produits ANTI adrénaline cérébraux qui diminuent la mémoire de travail et la mémoire émotionnelle et sont utilisés dans la thérapie des patients ayant un PTSD.[10]
  • C'est l'hydrocortisone (un gluco-corticoide) injecté apres l'evenement traumatique qui previent le developpement d'un PTSD [21]

La fonction de la mémoire est de nous avertir du danger

  • Nous avons été façonnés par l'évolution, c'est à dire par notre capacité à survivre. Il n'y a pas d'information plus importantes pour la survie que les souvenirs associés au danger. Aucun mécanisme evolutif ne viendrait supprimer ces souvenirs.
  • L'apprentissage du danger se fait immédiatement et définitivement. (Vous n'avez besoin de vous bruler qu'une seule fois pour retenir définitivement que le feu est dangereux)
  • Les souvenirs chargés en émotions sont mieux rappelés que les souvenirs neutres.
  • Les souvenirs anciens sont moins susceptibles d'oubli que les souvenirs récents.
  • La mémoire implicite (inconsciente) ne stocke pas de souvenirs autobiographiques mais des apprentissages procéduraux non datés.

Les suivis prospectifs de personnes ayant vécu un événement traumatisant montrent qu'elles n'oublient pas

  • Les études prospectives montrent que lorsque l'on suit des enfants ayant été confrontés à des agressions y compris sexuelle, ils s'en souviennent très bien et longtemps[11]
  • Malmquist à examiné 16 enfants de moins de 11 ans ayant assisté au meurtre de l'un de leur parents. Tous ont des souvenirs vivaces de la scène.[12]
  • Eth et Pynoos se sont intéressé aux enfant ayant assisté au meurtre de l'un de leur parent par l'autre et donc soumis à un conflit de loyauté. Là aussi ils se rappelaient très bien.[13]
  • Les études rétrospectives établissant une "amnésie traumatique" se bornent à demander au patient s'il a eu une amnésie, c'est à dire à faire un auto-diagnostic d'amnésie, et ne proposent pas les amnésies organiques comme alternatives (usage de benzodiazépines, drogue du viol, alcool, commotion cérébrale) et enfin ne contrôlent pas le résultat [14].

Les personnes ayant oublié un événement traumatisant peuvent avoir une amnésie organique

  • La commotion cérébrale entraine une amnésie de l'accident avec oubli définitif.
  • L'alcool, les benzodiazèpines, le GHB entrainent une amnesie avec oubli définitif.
  • Le jeune âge entraine une amnesie avec oubli définitif.

Le problème des traumatisés est qu'il ne peuvent oublier ce qu'ils ont vécu et il s'agit d'un avantage évolutif.

Fin de la thérapie de Clément et l'explication de mes choix

Sur le plan clinique, les expériences de transe comme dans le cas de Clément, sont toujours caractérisées par leur intensité émotionnelle.
Le vécu est hallucinatoire et cinématographique : la scène se déroule devant le patient qui y assiste et ressent tout ce qui se passe.
Il est habituel que le patient joue et incarne son rôle, souvent à un âge différent. C'est involontaire, il ne peut stopper la séquence et c'est non intentionnel, il n'est pas à l'initiative de la séquence.
Ces expériences sont toujours ressenties comme "authentiques" quels que soient leurs contenus parce qu'elle sont hallucinées et intensément émotionnelles.

Ces caractéristiques :

  • vécu hallucinatoire
  • désinhibition émotionnelle
  • absence de sens critique
  • conviction en la réalité de l’expérience
  • non intentionnalité
  • absence de contrôle volontaire
  • amnésie secondaire

sont les caractéristiques du rêve et non du souvenir.

La transe est un état altéré du rêve.

Qu’est ce que la transe somnambulique ?
Est-ce un rêve lucide ?

Clément rêve de ce qui le préoccupe et qu'il à évoqué juste avant la transe. Le rêve est une activité cognitive opérant sur des perceptions et son contenu est plus riche, plus intense que celui de la conscience éveillée. L'activité cognitive en transe est desinhibée du fait de la moindre activité des zones frontales mais il ne s'agit pas de souvenirs. Cette moindre activité frontale qui permet le rêve, limite aussi l'accés à la mémoire de travail et à la mémoire autobiographique.[18]

Et donc je m'oppose à Clément lorsqu'il prend son rêve pour la réalité mais je le soutiens lorsqu'en rêve il travaille sur les valeurs que son père lui a légué.

Le but de la thérapie par la transe est de permettre à la conscience rêvante d'élaborer sur le problème qui l'occupe. La désinhibition, la créativité, l'intensité émotionnelle et le vécu hallucinatoire propre à la conscience rêvante permettent au patient d’opérer une réflexion qu'il ne sait plus faire à l'état vigile et de vivre une expérience thérapeutique. A la condition qu'elle soit correctement guidée par le thérapeute.

Paulus et la petite flamme
Hypnothérapie somnambulique d’une phobie

Pour prévenir les faux souvenirs, il ne suffit pas de ne pas les induire, il faut aussi s'assurer que le patient ne prend pas ses rêves pour des souvenirs.

L'idée que les événements traumatiques peuvent être réprimés et récupérés par la suite est le folklore le plus pernicieux qui ait jamais infecté la psychologie et la psychiatrie. Elle a fourni la base théorique de la "thérapie de la mémoire retrouvée" - la pire catastrophe qui ait frappé le domaine de la santé mentale depuis l'époque de la lobotomie."[19]

  1. Borch-Jacobsen M., 1995, Souvenirs d’Anna 0. : une mystification centenaire, Paris, Aubier
  2. Ellenberger, Henri-Frederic. « L histoire d Anna O, étude critique avec documents nouveaux (1972) ». L’Évolution Psychiatrique 72, no 4 (octobre 2007): 731‑46. https://doi.org/10/czf8sh.
  3. Freud, S. (1887-1904) Lettres à Wilhelm Fliess. Édition établie par J. M. Masson. PUF, 2006, Lettre du 4 mai, p. 238.
  4. Erdelyi, M. (1994). Hypnotic hypermnesia: The empty set of hypermnesia. International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis, 42, 379–390.
  5. Lynn, S. J., Lock, T. G., Myers, B., & Payne, D. G. (1997). Recalling the unrecallable: Should hypnosis be used to recover memories in psychotherapy? Current Directions in Psychological Science, 6, 79–83
  6. Steblay, N. M., & Bothwell, R. K. (1994). Evidence for hypnotically refreshed testimony: The view from the laboratory. Law and Human Behavior, 18, 635–651
  7. McGaugh JL. Memory and emotion: the making of lasting memories. New York
    (NY): Columbia University Press; 2003.
  8. Gold, 1992, A proposed neurobiological basis for regulating mémory storage for significant events, in Affect and accuracy in recall, 141-161, Cambridge University press
  9. Cahill, L., & Alkire, M. T. (2003). Epinephrine enhancement of human memory consolidation: Interaction with arousal at encoding. Neurobiology of Learning and Memory, 79, 194–198.
  10. Chamberlain, Samuel R. et al. “Noradrenergic modulation of working memory and emotional memory in humans.” Psychopharmacology 188 (2006): 397-407.
  11. Beck - 2015 - We believe the children a moral panic in the 1980
  12. Malmquist, C. P. (1986) Children who witness parental murder. Post traumatic aspects, Journal of the American Academy of Child Psychiatry 25 320-325
  13. Eth S, Pynoos R: Posttraumatic Stress Disorders in Children. Washington, D.C.: American Psychiatric Press, 1985.
  14. Dodier, Olivier. « L’amnésie dissociative : limites méthodologiques, limites conceptuelles, et explications alternatives: » L’Année psychologique Vol. 121, no 3 (15 septembre 2021): 275‑309. https://doi.org/10.3917/anpsy1.213.0275.
  15. Pierre Janet, 1894, L'état mental des hystériques - les accidents, pge 267
  16. Pierre Janet, 1909, Les névroses, pge 43
  17. Pierre Janet, 1894, l'état mental des hystériques - les accidents, pge 69
  18. Kahn, David, et Tzivia Gover. « Consciousness In Dreams ». In International Review of Neurobiology, 92:181‑95. Elsevier, 2010. https://doi.org/10.1016/S0074-7742(10)92009-6.
  19. McNally, R. J. (2006). Amicus curiae brief in Taus v. Loftus, Supreme Court of California. Retrieved September 16, 2010, from www.religioustolerance.org/ rmtmcnally.htm
  20. Steblay, N. M., & Bothwell, R. K. (1994). Evidence for hypnotically refreshed testimony: The view from the laboratory. Law and Human Behavior, 18(6), 635–651. https://doi.org/10.1007/BF01499329
  21. Florido A, Velasco ER, Monari S, Cano M, Cardoner N, Sandi C, Andero R, Perez-Caballero L. Glucocorticoid-based pharmacotherapies preventing PTSD. Neuropharmacology. 2022 Nov 17;224:109344. doi: 10.1016/j.neuropharm.2022.109344.